Publiée le 22 août 2021, la loi portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets (« Climat Résilience ») a été définitivement adoptée cet été.

Ce texte fait entrer l’écologie dans la vie quotidienne des Français, avec plus de 305 articles et un champ d’action qui touche tous les domaines : de la consommation au logement, en passant par les déplacements ou l’alimentaire… mais aussi une série de dispositions destinées à verdir la commande publique : matériaux biosourcés, 100% des marchés avec une clause écologique, cycle de vie, …

Les équipes du CD2E décryptent les dispositions phares de la loi Climat et Résilience, pour une rentrée au vert, marquée par l’actualité de l’achat public durable.

1. L’atteinte des objectifs de développement durable dans la commande publique

Les ambitions en matière de transition écologique sont retraduites principalement à l’article 35 de la loi Climat et Résilience par l’introduction, au sein du titre préliminaire du code de la commande publique (CCP), d’un principe d’atteinte des objectifs de développement durable dans sa dimension économique, sociale et environnementale.

L’article 35 de la loi Climat et résilience complète cette obligation en l’étendant, pour les marchés publics et les contrats de concession, à la phase de formalisation du besoin par des spécifications techniques. Ainsi, en imposant l’obligation de prise en compte du  développement durable dans les spécifications techniques, l’article 35 concrétise  l’obligation d’introduire des considérations environnementales dès le stade de la  définition du besoin.

La Direction des Affaires Juridiques (DAJ) de Bercy rappelle dans sa fiche explicative que ces dispositions entreront en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 22 août 2026. Autrement dit, d’ici 5 ans au plus tard, tous les marchés publics devront intégrer une clause écologique, à  l’aune de laquelle une offre pourra être jugée plus ou moins-disante, au-delà des seuls facteurs du prix et de la valeur technique.

Ces différentes échéances laisseront toutes latitudes aux acteurs publics pour expérimenter et appréhender ces nouvelles obligations, jusqu’à leur entrée en vigueur. L’expertise et l’animation des collectifs des territoires, notamment des réseaux d’acheteurs responsables, auront un rôle déterminant pour capitaliser les bonnes pratiques et les dupliquer massivement.

2. Objectif 2026 : 100% des marchés avec une clause écologique

Afin de permettre le respect de cet objectif pour les acheteurs, la prise en compte du développement durable figurera dorénavant et obligatoirement à plusieurs étapes du processus d’achat :

  • Au stade de la définition du besoin (article L. 2111-2 du CCP), puisque les spécifications techniques devront prendre en compte les objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. Toutefois, les marchés de défense ou de sécurité ne sont pas concernés. Cette obligation concerne, en revanche, les contrats de concession de travaux et de services, à l’exception de ceux de défense ou de sécurité (article L. 3111-2 du CCP).

 La loi prévoit également l’obligation de clauses liées au domaine social et à l’emploi, sous  certaines conditions, pour les concessions d’une part et les marchés publics dont les  montants sont supérieurs aux seuils européens d’autre part. Des dérogations sont admises, sous réserve que cela soit dûment motivé.

  • Au stade de l’attribution (article L. 2152-7 du CCP) puisqu’« au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales de l’offre ». L’acheteur devra intégrer un critère d’analyse prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre. Les contrats de concessions, à l’exception des contrats de défense et de sécurité, sont également concernés par cette obligation (article L. 3124-5 du CCP).

Bien que les textes ne fixent pas de sanction, le non-respect de ces obligations serait susceptible de fragiliser les procédures de passation, en ouvrant la voie à de possibles recours contentieux.

Les acheteurs auront un travail préparatoire pour intégrer ces nouvelles obligations tant sur le plan organisationnel que sur le développement des compétences. Ils devront évidemment innover sur chaque segment achat et marchés associés en définissant des stratégies gagnantes, en s’inspirant des bonnes pratiques et en travaillant en collaboration avec les réseaux régionaux d’acheteurs responsables.

Ils devront évidemment choisir entre quantité et qualité, clause générique et clause personnalisée pour tenter de concilier efficacité économique et performance environnementale. Des considérations environnementales génériques par des clauses standards pourront être retenues dans un 1er temps sur des achats de faible montant ou sur certaines prestations intellectuelles plus complexes à calibrer sur le plan environnemental. Au-delà de ces obligations législatives et réglementaires, les changements climatiques, que nous constatons quotidiennement, doivent surtout éveiller chez les acheteurs leurs engagements d’impacter qualitativement les achats et leurs territoires, pour minimiser au maximum l’empreinte environnementale de leur structure.

Des outils, comme la clause verte, viendront assurément étoffer le panel de solutions pour dépasser les derniers freins inhérents à l’achat public durable et atteindre cet objectif ambitieux de 100% des marchés avec une clause écologique en 2026.

3. En 2023 : le renforcement des SPASER

A compter du 1er janvier 2023, la loi renforce le contenu des schémas de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER). Les structures publiques dont le montant annuel des achats est fixé à 100 000 millions d’euros HT sont tenues d’adopter ce schéma. Elles devront prévoir  la publication tous les 2 ans, d’indicateurs exprimés en nombre de contrats ou en valeur sur les taux réels d’achats publics relevant des catégories de l’achat socialement et écologiquement responsable. De même, il devra préciser les objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories. Les SPASER seront également rendus publics par une mise en ligne sur le site internet de la collectivité.

De plus, le gouvernement devra procéder, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi,  à une évaluation de la prise en compte des considérations environnementales et sociales dans les seuls marchés publics passés par les acheteurs ayant adopté le schéma de promotion des achats responsables. Ce rapport proposera également un modèle de rédaction de ce schéma.

Cette évolution va entrainer la généralisation de fait du recours au SPASER. En 2020, il était constaté que seul 20% des 160 structures publiques concernés par ce dispositif l’avaient adopté. L’échéance du 1er janvier 2023 donnera un laps de temps suffisant pour permettre aux retardataires de franchir le pas. Ce changement ne révolutionnera pas les pratiques de certains acheteurs qui publiaient non seulement leur SPASER mais aussi parfois un bilan annuel, comme le CD62.

4. En 2025 : des outils de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens

L’article 36 de la loi prévoit qu’au plus tard le 1er janvier 2025, l’État mettra à la disposition des acheteurs publics des outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat. Ils devront intégrer le coût global lié notamment à l’acquisition, à l’utilisation, à la maintenance et à la fin de vie des biens ainsi que, lorsque c’est pertinent, les coûts externes supportés par l’ensemble de la société, tels que la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre, la perte de la biodiversité ou la déforestation.

Ces outils seront très attendus pour mettre en œuvre avec facilité une analyse des offres en cycle de vie, jugée trop souvent complexe et source de risque, par les acheteurs.

5. En 2030 : l’obligation d’intégrer les matériaux biosourcés dans la commande publique

Afin d’encourager l’usage de matériaux biosourcés ou bas-carbone lors de la passation de marchés de travaux, la loi Climat et Résilience prévoit qu’ :  

« A compter du 1er janvier 2030, l’usage des matériaux biosourcés ou bas-carbone intervient dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique. Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article, en particulier la nature des travaux de rénovation lourde et les seuils au-delà desquels l’obligation est applicable aux acheteurs publics. » (article 39 de la loi modifiant l’article L. 228-4 du code de l’environnement)

D’ici cette échéance et sous l’effet de la réglementation RE2020, il est certain que les projets avec recours aux biosourcés se multiplieront au sein des territoires. A titre d’exemple en Hauts-de-France, des opérations de réhabilitations en chanvre portées par des bailleurs sociaux ou de constructions en bois/paille se développent massivement passant d’une approche expérimentale à une intégration quasi-industrialisée. Ce délai permettra aussi aux différentes filières locales de se structurer pour répondre à la demande croissante et de s’adapter progressivement au formalisme des appels d’offres.

Les projets accompagnés aujourd’hui par le CD2E en biosourcés (crèche, collège, logements sociaux…) en tant que démonstrateurs permettront d’impulser la dynamique de demain dans le recours massif de ces produits naturels et locaux. Un bel avenir en perspectives pour ces filières de développement économique des territoires.

6. De nouvelles dispositions aux soutiens des énergies renouvelables

Concernant le solaire photovoltaïque, plusieurs mesures viennent simplifier ou compléter le panel juridique existant avec notamment :

  • La hausse de la réfaction pour les centrales solaires de moins de 500 kWc, passant de 40% à 60%. Cela permet la diminution du coût de raccordement des petits projets.
  • De nouvelles obligations pour « solariser » les nouveaux bâtiments, les rénovations lourdes et nouveaux parkings. A compter du 1er janvier 2023, les nouveaux bâtiments commerciaux, artisanaux, industriels, entrepôts et hangars de plus de 500m2, et les bâtiments de bureaux de plus de 1000m2 devront végétaliser ou solariser 30% de leur surface. A compter du 1er janvier 2024, les nouveaux parcs de stationnement de plus de 500m² devront végétaliser ou solariser 50% de leur surface, et 100% des ombrières dès lors qu’il y en aura.
  • La reconnaissance que les centrales solaires au sol ne doivent pas être comptabilisées comme de l’artificialisation. Sans cette modification, une centrale au sol aurait été considérée comme artificialisant le sol.
  • La possibilité ouverte de lancer des appels d’offres stockage en Métropole, jusqu’ici réservés aux territoires insulaires. Il reste toutefois à déterminer si ces derniers pourront être couplés ou non à de la production

Pour l’hydroélectricité, la loi Climat et résilience pousse également quelques changements :

  • La suppression de l’aide des agences pour l’effacement des seuils. La loi inscrit donc dans le code de l’environnement que « l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages ».
  • La création d’un médiateur de l’hydroélectricité et d’un portail national de l’hydroélectricité. Il donnera accès de façon dématérialisée aux schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage), aux schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), aux listes de cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux, aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3RENR), aux classements des cours d’eau et lacs, aux évaluations et identifications prévues pour l’électricité d’origine hydraulique dans la programmation pluriannuelle de l’énergie ainsi qu’aux éléments d’information relatifs à l’hydroélectricité figurant en annexe de la loi de finance.

La loi Climat et Résilience est une avancée majeure pour renforcer la commande publique comme levier de la transition écologique et solidaire. L’ensemble de ces mesures s’inscrit dans la continuité de la publication des nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG) et du Plan national pour les achats durables 2021-2025 (PNAAD).

Pour les mettre en œuvre, les réseaux d’acheteurs responsables auront un rôle clé pour le développement et le partage des bonnes pratiques. Toutes les expérimentations et leurs valorisations auront leur importance, impliquant un travail de capitalisation mais aussi d’innovation reposant très souvent sur des collectifs et des agents engagés.

Plus que jamais, les outils comme la clause verte et le développement des compétences par la formation seront des clés pour atteindre l’objectif ambitieux des 100% de marchés avec une clause écologique.

La clause verte évoluera également pour répondre aux besoins des acheteurs avec davantage de collaboratif, de contenus, de combinaisons gagnantes « clauses + critères et/ou sous-critères », de retours d’expériences … pour massifier l’achat public durable.

Pour y répondre, l’équipe du CD2E est mobilisée pour apporter son expertise et accompagner les acteurs des territoires dans leur projet d’éco-transition.

EN SAVOIR PLUS

  • Vos contacts au CD2E : Antoine GOXE, consultant achats publics durables –  a.goxe@cd2e.com, & Emilie GROSSMANN, consultante achats publics durables et ENR – e.grossmann@cd2e.com  
  • Notre article sur le même sujet sur le site CD2E

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