Les sénateurs ont définitivement adopté, ce jeudi 30 janvier 2020, le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

Le texte a été approuvé par la Chambre haute à main levée, à l’unanimité des élus présents, à une abstention près. L’Assemblée nationale avait déjà adopté le projet de loi le 21 janvier. Le projet de loi s’inscrit dans la mise en œuvre de la charte de l’environnement de 2004 et ambitionne le passage d’une économie linéaire à circulaire. Une ambition qui d’après certains ne révolutionnera pas les pratiques achats, faute de codifications et de sanctions associées. La loi poursuit néanmoins les objectifs suivants :

  • De nouvelles obligations en matière d’information vis-à-vis du consommateur (de l’acheteur)
  • Renforcer la lutte contre le gaspillage en faveur du réemploi et de la réutilisation
  • Renforcer la responsabilité des producteurs (principe du pollueur payeur)
  • Lutter contre les dépôts sauvages

La loi fait une priorité de l’usage des ressources, d’une consommation sobre et responsable, basée sur l’éco-conception, la rationalisation et la hiérarchisation de l’usage des ressources. Elle fixe des échéances relativement courtes pour changer les pratiques et devenir plus résilient.

CONCRÈTEMENT POUR LES ACHATS ?

RENSEIGNER L’ACHETEUR

De nombreuses mesures prisent en matière d’information du consommateur vont ouvrir des perspectives intéressantes pour les acheteurs afin d’avoir une meilleure connaissance de l’impact environnementale de leurs achats, développer des critères de sélection des candidatures et des offres.

La loi crée une obligation pour les producteurs, importateurs et générateurs de déchets d’informer les consommateurs sur les qualités et caractéristiques environnementales, notamment l’incorporation de matières recyclées, l’emploi de ressources renouvelables, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi, la recyclabilité et la présence de substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares.
Des informations qui permettront de mieux calibrer et définir le besoin.

La loi crée également une obligation de communication par les producteurs, importateur d’équipements électriques et électroniques d’un indice de réparabilité, puis à partir du 1er janvier 2024 d’un indice de durabilité (fiabilité et robustesse), assortis d’obligation d’information quant à la disponibilité ou non de pièces détachées dans la durée, avec possibilité de recourir à des copies imprimées en 3D en cas de non-disponibilité.

FAVORISER LE RÉEMPLOI ET LA RÉPARABILITÉ

Une des mesures la plus emblématique de la loi est que les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi, de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit. La liste des produits et les taux d’incorporation de matière recyclée seront fixés par un décret en Conseil d’État. Une transformation de la fonction achat sera donc indispensable et la définition du besoin se fera sous le spectre de l’économie circulaire.

Dans le domaine de la construction ou de la rénovation de bâtiments, la commande publique devra prendre en compte les exigences de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de stockage du carbone et veiller au recours à des matériaux de réemploi ou issus des ressources renouvelables [article L. 228-4 du code de l’environnement].

Elle crée également une obligation d’achat concernant les pneumatiques rechapés (remplacement d’une bande de roulement usagée par une neuve sur une carcasse de pneu) pour l’État, les collectivités territoriales et leurs opérateurs (sauf exception pour les consultations infructueuses ou les pneumatiques à destination de véhicules d’urgence ou militaire).

Une obligation de réparabilité a été créée (interdiction de rendre irréparable ou non re conditionnable), applicable également aux logiciels (10 ans mises à jour OS), il s’agit d’une mesure de lutte contre obsolescence programmée.

Enfin, pour les marchés de prestation d’entretien et réparation, les opérateurs auront l’obligation de faire une offre incluant des pièces issues de l’économie circulaire à la place des pièces neuves, dans la lignée des obligations en matière de réparation de véhicule.

LA QUESTION DES DÉCHETS

La loi fait de la question des déchets une priorité. Dernière étape de l’économie circulaire qui si elle est bien gérée, permet de boucler la boucle !

Pour cela la loi prévoit la création d’éco-organisme agréé. Elle liste 21 filières Responsabilité élargie du producteur (REP), dont les produits et matériaux issus du secteur du bâtiment.

En bref…
Pour le secteur du bâtiment la loi :

  • Prend en considération des difficultés que pose le statut de déchet (Dans le cadre d’un chantier de réhabilitation ou de démolition de bâtiment, si un tri des matériaux, équipements ou produits de construction est effectué par un opérateur qui a la faculté de contrôler les produits et équipements pouvant être réemployés, les produits et équipements destinés au réemploi ne prennent pas le statut de déchet [article L. 541-4-4 du code de l’environnement]
  • Oblige le diagnostic ressources, lors de travaux de démolition ou réhabilitation significative de bâtiments le maître d’ouvrage est tenu de réaliser un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets issus de ces travaux ainsi qu’à la gestion des terres excavées issues de ces travaux
  • Encadre les garanties de compétence des diagnostiqueurs
  • Oblige tout producteur ou détenteur de déchets de construction et de démolition de mettre en place un tri des déchets à la source et, lorsque les déchets ne sont pas traités sur place, une collecte séparée des déchets, notamment pour le bois, les fractions minérales, le métal, le verre, le plastique et le plâtre
  • Oblige les sociétés dans leurs devis relatifs aux travaux de construction, de rénovation et de démolition de bâtiments ainsi que les devis relatifs aux travaux de jardinage à mentionner les modalités d’enlèvement et de gestion des déchets générés, ainsi que les coûts associés. Ils précisent notamment les installations dans lesquelles ces déchets ont vocation à être collectés. La personne en charge de l’installation de collecte des déchets est tenue de délivrer à titre gracieux à l’entreprise ayant réalisé les travaux un bordereau de dépôt [et non plus un certificat] précisant l’origine, la nature et la quantité des déchets collectés ou traités.

Enfin, pour les biodéchets, à compter du 1er janvier 2023, la loi prévoie une obligation de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique ou une collecte sélective de ces déchets. Elle s’applique aux personnes qui produisent ou détiennent plus de cinq tonnes de biodéchets par an. Au plus tard le 31 décembre 2023, cette obligation s’applique à tous les producteurs ou détenteurs de biodéchets, y compris aux collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets et aux établissements privés et publics qui génèrent des biodéchets.

EN SAVOIR PLUS